L’ulcère de jambe

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L’ulcère de jambe représente la principale plaie chronique rencontrée en ville. C’est une perte de substance cutanée atteignant la jambe ou le dos du pied. Elle peut aller de la peau jusqu’à l’os. L’ulcère est d’évolution chronique. La guérison spontanée est difficile sans traitement adapté.

Dans la plupart des cas (90%), il est d’origine vasculaire :

  • veineuse ou mixte à prédominance veineuse (70% des cas)
  • origine artérielle (20%).
  • Les autres origines sont plus rares (10% des cas).

Nous ne traiterons dans cet exposé que les ulcères veineux ou mixte à prédominance veineuse. Les autres causes d’ulcères feront l’objet d’un article distinct.

L’ulcère veineux survient au stade tardif de l’insuffisance veineuse chronique. Celle-ci peut être superficielle (varices) ou profonde (origine post-thrombotique surtout, plus rarement insuffisance valvulaire profonde primitive ou angiodysplasie)

Le diagnostic est avant tout clinique (antécédents connus d’insuffisance veineuse, thrombophlébite, examen de la plaie et de la périphérie, etc…). L‘écho-Doppler veineux vient confirmer le diagnostic et permettre un bilan des lésions du réseau veineux.

La recherche d’une atteinte artérielle associée est systématique. Elle se fait cliniquement avec la palpation des pouls, la mesure de l’index de pression systolique (IPS) puis confirmation par écho-Doppler. Un IPS normal est compris entre 0,9 et 1,3 . Un IPS < à 0,9 est en faveur d’une artériopathie des MI. Un IPS supérieur à 1,3 est en faveur d’artères incompressibles et n’élimine pas une insuffisance artérielle. Il doit motiver un écho-Doppler.

L’ulcère veineux est parfois douloureux.

Le traitement repose avant tout sur la contention et les soins locaux. La vaccination antitétanique doit être à jour ou refaite.


Contention

La contention est fondamentale : plus de la moitié des échecs thérapeutiques sont dus à l’absence de contention ou une contention mal appliquée. La contention ou compression permet de lutter contre l’hyperpression veineuse responsable de l’ulcération.

Pour faciliter les poses de pansement, les bandes sont le plus souvent prescrites. Mais il est possible d’utiliser des chaussettes, bas ou collants de contention.

La pression exercée doit être dégressive : elle est maximale à la cheville (30 à 35 mmHg) pour diminuer sous le genou (20 mmHg). Cela correspond à une chaussette ou un bas de contention de classe 3.

Durant la cicatrisation, la contention doit être portée si possible, de jour comme de nuit.

Il existe deux types principaux de bandes

Les bandes non élastiques : elles apportent une pression de repos faible mais assure une compression du système veineux à la marche. Elle est indiquée que si le patient marche régulièrement

Les bandes élastiques : elles compriment les veines superficielles au repos, mais sont moins efficaces à la marche.

Les bandes peuvent êtres superposées pour additionner les pressions.

Des kits jetables et remboursés sont disponibles. Ils contiennent généralement une bande élastique et une non élastique permettant d’associer les avantages de chaque type de contention. Ils sont souvent bien tolérés, en particulier chez le sujet âgé.

La pression peut être renforcée au niveau de l’ulcère en plaçant un coussinet.

Parfois la pressothérapie est associée à la contention classique dans la cicatrisation des ulcères rebelles.

Les bas, collants et chaussettes doivent être renouvelés tous les 4 mois (perte d’élasticité).

Dans le cas de l’ulcère mixte (veineux et artériel) : la compression devra être adaptée au cas par cas. Un index de pression systolique < à 0,7 contre indique une compression. En revanche, entre 0,7 et 0,9 une contention peu serrée à visée anti-oedémateuse est possible. Les bandes à extension courte sont à privilégier.

Dans tous les cas, la contention sera adaptée selon la tolérance du patient, avec une réévaluation à distance. Il peut être utile de commencer par une contention moins élevée dans un premier temps. Puis, en absence d’artériopathie, il est possible de renforcer la compression, une fois que le patient s’est adapté.

La kinésithérapie peut être utile pour renforcer la fonction de pompe du mollet, lutter contre l’ankylose de l’articulation tibio-tarsienne. Elle peut être complétée d’un drainage lymphatique.

Le repos est très important : 3 heures dans la journée jambes surélevées au niveau du cœur. Les pieds du lit doivent être surélevés de 10 à 20 cm.

En cas d’activité professionnelle, un arrêt de travail est indispensable.


Soins locaux

A la contention, il faut associer les soins infirmiers réguliers.

D’abord le nettoyage de la plaie à l’eau et au savon ainsi qu’un rinçage au SERUM PHYSIOLOGIQUE.

Ensuite la détersion mécanique des zones nécrotiques ou fibrineuses. Parfois, il est pratique d’utiliser des hydrogels pour faciliter la détersion.

Un anesthésiant local est utile avant la détersion sous forme de crème, de gel ou de spray. En cas d’ulcère très douloureux, il est nécessaire d’avoir également une prémédication avant le soin.

Un pansement sera ensuite appliqué pour favoriser la cicatrisation et protéger la plaie des germes pathogènes extérieurs. De nombreuses références sont disponibles répartis par classe (hydrocolloïdes, hydrocellulaires, alginates, hydrofibres, charbon, miel, hydrogels, films, polyacrylates, tulles et interfaces) . Le choix est fonction de la caractéristique de la plaie, l’état de la peau périphérique, le confort, la douleur et la fréquence de réfection.

Le type de pansement sera adapté en fonction de l’évolution de la plaie : un pansement pour la phase de détersion pourra être remplacé par un autre à la phase de bourgeonnement et en fin de cicatrisation.

La peau périphérique peut aussi bénéficier d’un traitement. L’épithélialisation s’effectuant depuis la périphérie, une bordure abîmée sera un facteur de retard de cicatrisation. Des crèmes sont choisies et appliquées selon l’état de la peau (inflammation, eczema, sécheresse, etc…)


La laser-thérapie infra-rouge

Des études récentes ont démontré l’intérêt du laser infrarouge dans la promotion de la cicatrisation (1). Le laser contribue à accélérer la cicatrisation et à diminuer la douleur ressentie (2). Il peut relancer la cicatrisation d’une plaie stagnante. Il peut améliorer le résultat cicatriciel (3).

Des séances à intervalle régulier permettent d’accélérer la cicatrisation de l’ulcère ou de relancer la cicatrisation d’un ulcère rebelle. C’est un moyen facile à mettre en œuvre lors d’une consultation et qui ne modifie en rien le traitement classique de l’ulcère (soins locaux, contention voire chirurgie)


La greffe

Des études ont montré l’intérêt de la greffe en pastille dans la cicatrisation des ulcères. Elle est intéressante pour les ulcères rebelles (présents depuis plus de 6 mois) ou dans des ulcères à risque de devenir rebelles. La greffe peut être couplée à la laser-thérapie pour améliorer les chances de prise. De la même manière, la thérapie par pression négative peut aider à maintenir en place les greffons.

Parfois d’autres techniques sont utilisés comme la greffe en résille voire une excision-greffe (shave therapy : l’ulcère et la sclérose péri-ulcéreuse est ôtée, puis la plaie est recouverte d’une greffe de peau mince).

Lire l’article consacré à la greffe en pastille


Le traitement étiologique

La chirurgie lorsqu’elle est possible, permet de corriger l’hyperpression veineuse. Elle diminue le risque de récidive d’ulcères.

Si le patient présente une insuffisance veineuse superficielle isolée un éveinage peut être proposé (stripping-crossectomie, associé à une ligature des veines perforantes incontinentes et à des phlébectomies de varices). D’autres techniques d’éveinage peuvent être utilisées.

La chirurgie peut être complétée de la sclérothérapie (injection de produit qui permet l’oblitération de la veine malade). Elle peut permettre d’accélérer la cicatrisation d’un ulcère lorsqu’il y a de grosses varices adjacentes.

Lorsque l’atteinte prédomine sur le réseau veineux profond. La contention seule est souvent pratiquée. La chirurgie est complexe et se pratique en centre spécialisée. Elle est réservée en cas d’échec du traitement médical. Elle corrige le réseau veineux profond proximal. Les résultats sont meilleurs dans les insuffisances valvulaires primitives que dans les syndromes post-thrombotiques (après une trombophlébite).

En cas d’artériopathie importante, un bilan étudiera les possibilités de revascularisation.


Autres traitements en cours d’évaluation

Traitements locaux

miel : utile pour les plaies infectées à germe multirésistants (pouvoir bactéricide), plutôt à proposer aux patients non douloureux (effet osmotique). Lire l’article consacré à l’apithérapie

Plasma riche en plaquettes ou PRP : en cas de résistance au traitement local ou pour des plaies associées à une exposition osseuse ou tendineuse. Lire l’article consacré au PRP

larvothérapie ou asticothérapie : peut être utile pour déterger des plaies rebelles, les plaies infectées à germe multirésistant et des plaies douloureuses.

Thérapie par pression négative : favorise la cicatrisation, mais en attente d’une étude comparative.

Autohémothérapie : prélèvement de sang du patient appliqué directement dans la plaie (apport de facteurs de croissance) : technique à l’origine de la découverte du PRP. 

facteurs de croissance : le GM-CSF (Granulocyte Macrophage Stimulating Factor) en injection péri-ulcéreuse ou en gel dans la plaie a montré une amélioration du taux de cicatrisation à confirmer par d’autres études

Substituts cutanés : seul l’APLIGRAF® ou GRAFSKIN® a montré une efficacité dans la cicatrisation.

traitements généraux

Pentoxifylline + ou –  association à la Vit E : l’efficacité sur la cicatrisation est discutée

Phlébotoniques : diminueraient les signes fonctionnels. Il n’y a pas d’étude sur la cicatrisation.


La prévention des récidives

Elle passe par la remise d’informations claires lors de la consultation finale de cicatrisation de l’ulcère.

En cas d’absence de traitement chirurgical, le port de la contention est indispensable (classe 3 de préférence ou 2 à défaut). La peau doit être bien hydratée régulièrement à l’aide de crèmes. La cicatrice d’ulcères doit être bien protégée des chocs pendant plusieurs mois (le temps que la peau ait une résistance suffisante). Il faut porter des chaussures confortables et surveiller l’apparition de blessures, excoriations.

La marche quotidienne est importante. Les jambes doivent être surélevées lorsque l’on est assis(e) ou allongé(e) pour améliorer la circulation veineuse.

En cas d’apparition de nouvelles plaies : le protocole prescrit doit être repris avec une contention si possible jour et nuit. En cas d’absence d’amélioration sous quinze jours, il faut consulter de nouveau.

Dans tous les cas une surveillance spécialisée régulière est nécessaire.


La prévention du stade de l’ulcère

En cas d’insuffisance veineuse superficielle ou profonde primitive suspectée, il est important de se faire suivre avant d’arriver au stade de l’ulcère. Un écho-doppler veineux régulier pourra être proposé. Les thérapeutiques à disposition sont celles décrites plus haut : contention, chirurgie, sclérothérapie, hygiène de vie.

En cas de thrombophlébite, les anticoagulants associés à la contention sont indispensables. Le diagnostic précoce peut limiter le syndrome post-thrombotique. Selon les cas, le traitement anticoagulant peut être prolongé.


(1) The efficacy of laser therapy in wound repair: a meta-analysis of the literature. Photomed Laser Surg. 2004 Jun;22(3):241-7. Woodruff LD1, Bounkeo JM, Brannon WM, Dawes KS, Barham CD, Waddell DL, Enwemeka CS.

(2) Laser therapy in the tissue repair process: a literature review. Photomed Laser Surg. 2010 Feb;28(1):17-21. doi: 10.1089/pho.2008.2372. Da Silva JP1, da Silva MA, Almeida AP, Lombardi Junior I, Matos AP.

(3) Effects of low-level laser therapy on pain and scar formation after inguinal herniation surgery: a randomized controlled single-blind study. Photomed Laser Surg. 2010 Jun;28(3):417-22. doi: 10.1089/pho.2009.2548. Carvalho RL1, Alcântara PS, Kamamoto F, Cressoni MD, Casarotto RA.

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