La greffe en pastille est une technique simple, facile à mettre en œuvre et sans complication.

Cette technique a été décrite pour la première fois en 1869 par le Dr REVERDIN. Longtemps pratiquée en cabinet de ville ou en ambulatoire, elle est tombée en désuétude avec l’arrivée des pansements spécifiques pour la prise en charge des plaies chroniques. C’est aujourd’hui de nouveau une thérapeutique de première importance, car de nombreux ulcères ne parviennent pas à cicatriser complètement, malgré des soins bien conduits.
L’HAS recommande son utilisation pour les ulcères récalcitrants (>à 6 mois) et les ulcères de plus de 10 cm2 (1).

Il existe d’autres techniques de greffe de peau qui ne font pas l’objet de cet article.

Principe

Le principe de cette greffe consiste à déposer des pastilles de peau fine à la surface de l’ulcère afin de stimuler l’épidermisation. Ces greffons comportent de l’épiderme et du derme superficiel. Ils apportent des cellules épidermiques saines et des facteurs de croissance pouvant relancer la cicatrisation d’une plaie.

Dans un premier temps va se développer la vascularisation des pastilles par l’arrivée de vaisseaux depuis le fond de l’ulcère : une mise en continuité des anses capillaires des pastilles et de l’ulcère s’effectue. Les greffons apparaissent alors roses (entre 3 et 7 jours après le dépôt des greffons).

Dans un second temps, l’épidermisation des pastilles s’effectue avec une progression des bords. Les pastilles elles mêmes vont entraîner une épidermisation des bords de l’ulcère par effet attractif (expérience décrite pendant la Grande Guerre par le Pr Carrelprix Nobel de médecine 1902)

La greffe en pastille permet de raccourcir grandement la durée de cicatrisation

Elle est indiquée dans les cas suivants :

  • Ulcères veineuxartériels ou mixtes (2) de plus de 10 cm2
  • Ulcères veineux, artériels ou mixtes de plus de 6 mois
  • Ulcères veineux, artériels ou mixtes ne s’améliorant pas malgré des soins bien conduits
  • Ulcères artériels ne s’améliorant pas après revascularisation chirurgicale
  • Ulcères très douloureux : la greffe a un effet antalgique, comme par exemple pour l’angiodermite nécrotique (traitement de première intention). La réalisation précoce de greffe en pastille même au stade nécrotique évolutif et après une détersion pré-opératoire permet de supprimer dans 100% des cas la douleur, voire d’arrêter la nécrose (3).
  • Le principe est le même pour l‘ulcère drépanocytaire. Ces ulcères, souvent présents chez le sujet jeune, sont très douloureux. La greffe permet de passer un cap vers la cicatrisation complète.

Une préparation du site à greffer est indispensable :

la plaie doit être suffisamment bourgeonnante. Elle ne doit pas être trop suintante. Il ne doit pas y avoir de signes d’infection locale. Une antibiothérapie peut être instituée dans les jours précédant la greffe. Parfois la peau périphérique doit être préparée avec l’application d’un dermocorticoïde.

La réalisation de la greffe

Des pastilles de peau très superficielle sont prélevées sur la face antéro-interne de la cuisse et déposées dans la plaie à traiter.

Afin d’améliorer le confort du malade, de la crème EMLA®, est appliquée deux heures avant l’intervention sur la zone donneuse et maintenue avec un film adhésif.

Les pastilles sont prélevées à l’aide d’un bistouri circulaire (punch de 4 à 6 mm de diamètre). Elles sont recueillies sur un compresse stérile imbibée de SERUM PHYSIOLOGIQUE puis immédiatement réparties sur la surface de l’ulcère tous les 0,5 cm les unes les autres, environ.

Un système automatisé de prélèvement épidermique (CELLUTOME®) peut être utilisé pour des plaies à greffer de petite taille. Ce matériel a l’avantage de prélever des micro-greffons identiques, de donner un résultat esthétique excellent au niveau de la zone donneuse de greffe (cuisse) et un meilleur résultat esthétique sur la zone greffée. La prise de greffe au niveau de la cuisse est quasi invisible à deux mois.

Le laser infra-rouge biostimulant peut aussi ensuite être utilisé sur la zone donneuse, sur les pastilles et sur la plaie à traiter.

Le laser permet :

  • d’augmenter le bourgeonnement de la plaie
  • d’améliorer la prise de greffe
  • d’accélérer le développement des greffons.
  • Il augmente donc les chances de la prise de greffe et accélère le processus de cicatrisation en synergie avec les greffons déposés.
  • Il améliore la cicatrisation de la zone donneuse.

Les pastilles sont maintenues par un pansement type interface ou un hydrocellulaire mince de type transfer. Un alginate de calcium couplé à une thérapie par pression négative peut aussi être appliqué pour mieux immobiliser les greffons et augmenter les chances de prise de greffe.

Dans le cas des ulcères veineux ou mixte autorisant la contention, un système bibande de compression est appliqué.

Les suites de greffe

Le site donneur de greffe est généralement recouvert d’un alginate de calcium qui ne sera pas changé jusqu’à cicatrisation complète.

Le repos strict au lit en hospitalisation ou à domicile est capital (4 jours). Le lever ne sera autorisé que pour aller aux toilettes. En effet, des micro-mouvements des jambes exercent une force de cisaillement qui peut entraîner une section des vaisseaux des greffons et donc la mort de ceux-ci.

Les résultats sont bons mêmes pour des patients non hospitalisés (4).

L’ouverture du premier pansement de greffe se fait au 4ème jour. Le déballage se fait délicatement afin de ne pas arracher les greffons. Un simple arrosage au serum physiologique est effectué suivi d’un tamponnement avec une compresse stérile. Si une thérapie par pression négative a été instituée, elle est généralement continuée encore quelques jours.

Des soins infirmiers à domicile sont prescrits : la détersion, le frottement sont proscrits. La plaie greffée est simplement lavée au serum physiologique. La peau périphérique est hydratée soigneusement. La contention, le cas échéant est poursuivie. Le pansement de prise de greffe est surveillé quotidiennement : en général, le pansement se détache naturellement par petit lambeau au fur et à mesure que les zones cicatrisent. Il ne faut surtout pas tirer dessus.

Dans tous les cas, le patient est revu une semaine après la greffe, puis un suivi régulier est instauré jusqu’à cicatrisation complète.

En l’absence de contre indication, une héparine de bas poids moléculaire est prescrite pour la prévention des complications thrombo-emboliques.

Les seules complications sont l’absence de prise de greffe et l’infection qui peut être prévenue par une antibiothérapie débutée avant la greffe.

Conclusion

La greffe en pastille est un geste simple, efficace, non agressif pour le malade. Il peut être répété. Il a une fonction antalgique sur des ulcères très douloureux et permet de passer un cap pour parvenir jusqu’à la cicatrisation complète.
Enfin, un ulcère greffé présente un épiderme plus solide qu’un ulcère traité en cicatrisation dirigée (pansement uniquement).



  1. HAS juin 2006 Prise en charge de l’ulcère de jambe à prédominance veineuse hors pansement.
  2. Mosti G, Iabichella M.L, Picerni P, Stefani A, Mattaliano V. Homologous skin grafts in the treatment of chronic ulcers. Phlébologie 2005, vol. 58, n°1, 41-48.
  3. Lazareth I, Priollet P. Angiodermite nécrotique : traitement par greffes cutanées précoces.AnnDermatolVenereol 1995;122:575-8
  4. Tallon BG, Oliver GF. Comparison of inpatient bed rest and home convalescence following split thickness skin grafting to lower leg. Aust J Dermatol, 2007;48:11.